En direct de Buenos Aires: réflexions sur la circulation des concepts

En el marco del aniversario de la EHESS, el ciclo «SHS vistas desde otro lugar» propone una serie de videoconferencias con grandes universidades extranjeras. El fin: descentrar la mirada sobre la práctica de las ciencias sociales y sus desafíos políticos y sociales, y comprender mejor cómo la investigación evoluciona hoy a través del mundo. En este marco, el Centro Franco-Argentino (CFA) de Altos Estudios de la Universidad de Buenos Aires organiza el próximo 17 de junio, desde las 14 hasta las 18 hs. (hora francesa)/ desde las 9 hasta las 13 hs. (hora argentina), una media jornada de reflexión, en español y en francés, en torno a las transferencias conceptuales que, estos cuarenta últimos años, no dejaron de alimentar el debate entre investigadores franceses y argentinos. Retransmitida en directo, dará lugar a un intercambio con el público reunido en la EHESS. El antropólogo Guillaume Boccara que dirige el CFA, nos precisa aquí las ambiciones y los desafíos de este diálogo transatlántico.

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Dans le cadre de l’anniversaire de l’École, le cycle « les SHS vues d’ailleurs » propose une série de visioconférences avec de grandes universités étrangères. Le but: décentrer le regard sur la pratique des sciences sociales et ses enjeux politiques et sociaux, et mieux comprendre comment la recherche évolue aujourd'hui à travers le monde. Dans ce cadre, le centre franco-argentin (CFA) des Hautes Etudes de l'université de Buenos Aires organise le 17 juin prochain, de 14 à 18h (heure française)/9 à 13h (heure argentine), une demi-journée de réflexion, en langues française et espagnole, autour des transferts conceptuels qui, ces quarante dernières années, n'ont cessé d'alimenter le débat entre chercheurs français et argentins. Retransmise en direct, elle donnera lieu à un échange avec le public réuni à l'EHESS. L’anthropologue Guillaume Boccara qui dirige le CFA, nous précise ici les ambitions et les enjeux de ce dialogue transatlantique.

Vous consacrez cette visioconférence, retransmise en direct à l'EHESS, à la circulation des concepts au sein des SHS entre la France et l’Argentine. Quelles raisons vous ont poussé à choisir ce thème? Quelle est son actualité?

ll y a de cela deux mois, j’ai convié un certain nombre des chercheur(e)s argentin(e)s au Centre Franco Argentin des Hautes Etudes de l’Université de Buenos Aires afin de réfléchir collectivement à la manière dont nous pourrions commémorer les quarante ans de la naissance de l’EHESS et, plus largement, aborder la longue histoire des échanges intellectuels entre la France et l’Argentine, et témoigner de sa vitalité sans cesse renouvelée. Plusieurs propositions furent débattues. S’est progressivement dégagée la possibilité de nous centrer sur l’appropriation, l’usage et la redéfinition de concepts, et donc de cadres théoriques, forgés au sein du paysage intellectuel et scientifique français et importés, ou plutôt transportés par des chercheurs argentins lors de leur retour au pays. Il s’agira donc, durant cette courte matinée (et après-midi chez vous, en France), de nous interroger sur le rapport qu'entretiennent aux mêmes cadres théorico-conceptuels des chercheurs évoluant et pensant dans des cadres nationaux bien différents: la France et l'Argentine. Il est clair, en effet, que certains concepts et certaines grilles de lecture théoriques, qui ont un sens bien déterminé dans l’espace social des SHS en France, peuvent revêtir, pour des chercheurs qui travaillent en Amérique du sud, une toute autre signification ou implication théorique. L’objectif – trop ambitieux puisque chacun des collègues ne disposera que de quinze minutes – est de donner à la fois une idée de la manière dont sont appropriés certains des concepts clés qu'ont produits les SHS françaises (« ontologie », « capital », « biopouvoir », « public »...) et de réfléchir sur le sens et la force qu’ils acquièrent dans un autre espace de débat scientifique et dans un autre contexte social et politique. Pour prendre un seul exemple, qui m’est familier : que devient l’approche descolienne de la conceptualisation de la « nature » dans le contexte latino-américain de mobilisations amérindiennes et de politiques néo-extractivistes ? Nous avons pensé qu’il serait fécond pour des chercheurs qui exercent leur profession en France de se faire une meilleure idée du destin latino-américain de concepts qui, parce qu'ils ont été forgés dans l’Hexagone, se révèlent souvent, d’une manière ou d’une autre, liés à l’histoire particulière et aux questionnements spécifiques au contexte intellectuel français.

Quelles tendances ont marqué ce dialogue transatlantique au fil des quarante dernières années? Et où en est-on aujourd'hui?

Il serait bien trop long de retracer l’histoire, ou plutôt les histoires multiples du dialogue intellectuel entre l’Argentine et la France. Sans compter que cela dépasse largement mes compétences. Néanmoins, ce dont je peux témoigner, c'est qu’il existe toujours un très vif intérêt de la part des chercheurs argentins pour les productions intellectuelles françaises. Nos collègues sont au fait des graves et profonds problèmes sociaux, politiques et économiques que traverse la France. Cependant, même s’ils ne semblent plus percevoir la France comme « le » centre en termes d’innovation politique, de mobilisation sociale et d’extension des droits politiques et sociaux, notre pays est regardé encore aujourd'hui comme un pôle d’intérêt et de questionnement. Pour de nombreux chercheurs argentins, un séjour scientifique en France reste une source d’inspiration et de réflexion ; et pas uniquement dans le sens positif du terme. La France peut parfois constituer un exemple... à ne pas suivre ! Surtout en ces temps où l’Amérique latine tente de réinventer la démocratie, de ré-imaginer la nation et de contrecarrer les effets désastreux d’un néo-libéralisme ou capitalisme financier globalisé. Avec des résultats, certes, inégaux et des effets collatéraux qu'on aurait tort de sous-estimer, mais avec, cependant, une détermination et une ferveur que l’on ne perçoit pas en Europe. Et, surtout avec l’énorme contribution et la participation active des spécialistes en SHS.

Dans quelle mesure cette demi-journée d'étude constitue-t-elle un « dialogue transatlantique »?

Le dialogue se nouera, nous l'espérons, entre le public réuni à Paris et les intervenants rassemblés à Buenos Aires. Mais il y a plus. Nous avons organisé la demi-journée selon le principe d'une certaine forme de réciprocité. Ainsi, la première table ronde, comme je l’ai mentionné, portera sur l’appropriation et le destin argentins de concepts made in France. En d’autres termes, elle sera l’occasion d’aborder l’attrait, l’apport et l’influence des SHS françaises. Mais la deuxième table ronde procédera de manière inverse: nos collègues argentins nous diront ce qui, selon eux, pose problème dans les approches théoriques, les configurations sémantiques et les manières de problématiser le social en France. D’où le choix que nous avons fait d’aborder des sujets qui peuvent déranger, tels que « la race et le genre », « la laïcité et l’universalisme », « la ségrégation et les territoires ». Un véritable rapport de réciprocité nous engage à écouter nos collègues argentins, comme des collègues qui se nourrissent de plus en plus de littérature scientifique et de problématiques étatsuniennes. Enfin, il nous a semblé important de clore cette brève rencontre par le point de vue d’une nouvelle génération de chercheur(e) s. Nous avons ainsi convié de jeunes docteur(e)s qui ont réalisé leurs études en France et sur des terrains français. Non seulement leur lecture nous intéresse, mais surtout, ce sont eux qui incarnent le futur du dialogue et de la coopération scientifique !

Propos recueillis par  Floriane Zaslavsky

Fiche technique: « France/Argentine. Emprunts, transferts, échanges » / « Argentina/Francia. Recepción, Conexiones, Circulación » • Une visioconférence retransmise en direct de l'université de Buenos Aires, dans le cadre du cycle « Les SHS vues d’ailleurs » • mercredi 17 juin, de 14h à 18h (heure française)/ de 9h à 13h (heure argentine) • Paris: EHESS. 190 Avenue de France. Salle du Conseil Buenos Aires: Allianza Francesa de Buenos Aires. Auditorio. Av. Cordoba 946. • Langues utilisées: le français et l'espagnol.

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