De nouveaux horizons théoriques pour les sciences sociales?

Dans les décennies prochaines, les SHS produiront-elles encore des théories générales?Ou ne proposeront-elles plus que des théories de moyenne portée? Quelle sera la place de l'ambition théorique dans la formation des chercheurs et la conduite des enquêtes? Quels nouveaux paradigmes sont d’ores et déjà en cours d’émergence ? |Ces questions seront au centre de l’une des sessions du grand colloque interdisciplinaire et international, « Les sciences sociales au 21e siècle » par lequel, les 15 et 16 juin, s’ouvrira la « semaine anniversaire » de l’EHESS.

In the upcomming decades, will the social sciences still be able to generate general theories, or, on the contrary, content themselves with shorter-reaching ones ? What will the theoretical ambitions in the researcher's training and the inquiries ? Those questions are central to one of the sessions of the big international and interdisciplinary conference The social sciences in the 21st century, that opens the EHESS' "Anniversary week".

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Quel est l’objectif du colloque? / What is the aim of the colloquium ?

Mieux comprendre comment vont évoluer les sciences humaines et sociales dans les années qui viennent. Mieux saisir quel sera leur rôle social et politique dans le monde de demain. Comment ? En conviant, durant deux jours, des chercheurs français et étrangers de renom, appartenant aux différentes disciplines de ces sciences et représentant des traditions scientifiques variées, et en les invitant à débattre entre eux et avec le public.

To better understand how the social and human sciences will evolve in the years to come. To have a better understanding of what will be their social and political role in tomorrow’s world. How ? By gathering, for two days, renowned researchers from France and abroad, who belong to the various disciplines of those sciences and represent varied scientific traditions, and by inviting them to debate with one another and with the audience. Click here to find the full programme of the colloquium.

Quel est l’objectif de la deuxième session, « L'effort théorique »? / What is the scope of the second session, « The theoretical endeavour » ?

Mieux comprendre comment évoluera, dans les années et les décennies prochaines, le rapport des chercheurs en sciences sociales aux enjeux théoriques de leurs travaux et à la formulation de théories nouvelles. Mieux apercevoir, également, quels sont les nouveaux paradigmes d’ores et déjà en cours d’émergence.

Sciences empirico-conceptuelles, les sciences sociales ne peuvent se suffire du recueil de matériaux empiriques: elles requièrent un effort constant de conceptualisation et de théorisation. Or, dans certaines disciplines, la dimension théorique semble aujourd'hui en panne ou déconnectée du travail empirique. Comme si l'organisation nationale et internationale de la recherche encourageait une orientation générale vers les pratiques les plus empiristes ou, par contre coup, les plus abstraites. Cette tendance est-elle inexorable ? Comment relancer l'effort de théorisation et mieux former les futures générations de chercheurs à cette dimension nécessaire de leur pratique? Et de quel type de théories, demain, aurons-nous besoin? Théories générales ? De moyenne portée? "Enracinées" (grounded) ? Ou, au contraire, visant des niveaux d'abstraction toujours plus élevés?

It aims at showing, for the coming years and decades, the evolution the relationship of social sciences scholars to the theoretical stakes of their research will undergo, as well as the formulating of new theories ; also better identify what paradigms are currently emerging.

As empirical/conceptual sciences, the social sciences cannot limit themselves to the gathering of empirical materials : they require a constant effort of conceptualisation and theorisation. Yet, the theoretical dimension of some disciplines seems currently stalled, or disconnected from empirical fieldwork. It is as though the domestic or international framework for research encouraged a general orientation toward the most empirical practices, or, as a reaction, the most theoretical. Is that inexorable a tendency? How to reboot a theoretical effort and train coming generations of researchers to this necessity of their practice? And what theory do we need for tomorrow? General theories? Grounded theories? Or, on the contrary, ever rising levels of abstraction?

Où et quand aura lieu cette session?

Lundi 15 juin, de 14h à 17h, au 105, bd Raspail (Paris 6e) dans l’amphithéâtre François Furet et les salles 7 et 8. Entrée libre. Métro: Saint-Placide (ligne 4) ou N.-D.-des-Champs (ligne 12).

Quels intervenants et quelles interventions?

Anne-Christine Taylor présidera cette séance. Directrice de recherche émérite au CNRS (EREA-LESC), elle est anthropologue. Nombre de ses publications portent sur l'histoire de la Haute Amazonie et sur le régime d'historicité des sociétés de culture Jivaro. Elle a été directrice du département de la recherche du musée du quai Branly de 2005 à 2014.

Jean-Louis Fabiani  • "En quel sens parlons-nous de sciences « sociales » ?"

La période 1975-2015 a été caractérisée par un ébranlement considérable de la manière dont nous caractérisons le social. La première mise en question porte sur le statut des entités collectives. La deuxième porte sur l’adéquation à soi d’une culture donnée à travers l’homogénéité de ses représentations. Le troisième front concerne le « retour de l’acteur ». En proposant de « réassembler le social », Bruno Latour a proposé une relève des versions traditionnelles de l’exercice sociologique. Le monde social est plat : il n’ y a pas besoin de se donner une topique ni un principe hiérarchique pour rendre compte de la vie sociale. Mais le primat donné à l’existence d’un réseau de connexions horizontales tend à interdire de penser les dissymétries aussi bien que les formes de la domination et l’inégalité de l’accès aux ressources. L’enjeu du débat aujourd’hui est de savoir jusqu’à quel point on peut repenser la question du pouvoir à partir d’une conception purement associationniste du monde social.

Jean-Louis Fabiani, directeur d’études à l’EHESS et professeur à Central European University (Budapest), travaille sur la sociologie historique des configurations de savoir. Dernier ouvrage paru: La sociologie comme elle s'écrit. De Bourdieu à Latour, Editions de l'EHESS, 2015. Son intervention se fera en français.

William Sewell • "The Temporalities of Social Life"

I will quickly outline what I see as the dynamics of the "eventful" temporality that I believe characterizes social life in general and will contrast this with features of the temporality of capitalism that seem uncanny from my general theoretical perspective. I will argue that a clearer recognition of the peculiarities of the capitalist temporal regime and of the bias it imparts to our own social life and conceptual categories could help us to better grapple with the intellectual, political, and moral problems confronting the contemporary world.

William Sewell est historien, professeur aux départements d'histoire et de science politique de l'université de Chicago. Ses recherches portent sur le capitalisme au dix-huitième siècle et sur les origines culturelles de la révolution française. Il est notamment l'auteur de Gens de métiers et révolutions. Le langage du travail, de l’Ancien Régime à 1848 (1983) et de Logics of History: Social Theory and Social Transformation (2005). Son intervention se fera en anglais.

Maurice Bloch • "L'anthropologie comme ancrage scientifique des sciences sociales"

A l'origine l'anthropologie a établi un lien entre les sciences sociales, telle l'histoire, et les sciences de la vie, telle la biologie. Mais cette relation a créé des problèmes qui sont bien connus (considérer les groupes isolés comme  s’ils étaient des représentant de nos ancêtres préhistoriques; ignorer les spécificités que créent l’histoire ; etc.). Les critiques que cette vielle anthropologie suscita étaient certainement bien fondées. Pour autant,  n'existe-t-il pas aujourd'hui un désir légitime de la part du public pour une anthropologie sociale et culturelle qui utiliserait son savoir pour contribuer aux débats concernant la nature de notre espèce, débats qui semblent se dérouler sans elle?  Avec un tel engagement, la discipline retrouverait peut-être le rôle distinctif qu'elle semble avoir perdu.

Maurice Bloch est professeur au département d'anthropologie de la London School of Economics. Ses travaux portent sur l'anthropologie cognitive, dont il est l'un des initiateurs. Il est notamment l'auteur de In and out of each other's bodies: theory of mind, evolution, truth, and the nature of the social (2011) et de L'anthropologie cognitive à l'épreuve du terrain (2006). Son intervention se fera en français.

Klaus Hamberger • "Perspectives de la modélisation anthropologique"

Induite autant par l’évolution des techniques informatiques que par l’appréciation accrue de modèles « émiques », la modélisation anthropologique est traversée par de profonds changements de méthodes et de concepts. Si ces évolutions ne vont pas toutes dans le même sens et semblent même parfois se contredire, elles ont le potentiel de renouveler l’ambition théorique de la discipline. Cet exposé se concentrera sur trois aspects de cette transformation, en prenant comme point de référence les concepts-maîtres qui orientaient les grands projets de modélisation il y a 40 ans : le déplacement de l’attention des structures globales vers les logiques locales qui les font émerger ; la reconceptualisation de la notion de transformation comme changement de perspective plutôt que comme jeu d’oppositions symboliques ; enfin, la succession du réseau de variations à la grille classificatoire en tant qu’outil de l’anthropologie comparative. L’exposé discutera le potentiel et les limites de ces orientations, en s’appuyant sur des exemples tirés des domaines de la parenté, des migrations, du rituel et de la littérature orale.

Klaus Hamberger est maître de conférences à l’EHESS et membre du Laboratoire d’Anthropologie Sociale. Ses recherches portent sur l’anthropologie de l’espace social, l’analyse des réseaux sociaux et le traitement informatique de données ethnographiques. Depuis 2004, il mène des travaux de terrain au Togo méridional (pays ouatchi). Son intervention se fera en français.

Fiche technique: Les sciences sociales au 21e siècle / Humanities and the Social Sciences in the Twenty-first Century • Un colloque interdisciplinaire organisé par l’EHESS • Langues utilisées: le français et l'anglais • Amphithéâtre François Furet et salles 7 et 8 • 105, bd Raspail • Session n°2 (15 juin, 14h-17h): "L'effort théorique / The Theoretical Endeavor".

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